L’Imitation a dit : Quand Jésus est présent, tout est bon ; quand il est absent, c’est un enfer.
Que serions-nous, si le Sauveur s’était contenté de vivre sa vie mortelle ?
Cela, sans doute, eût été une grande miséricorde et eût suffi pour nous mériter le salut et la gloire éternelle ; mais cela n’empêche pas que nous serions les plus malheureux des hommes. Comment donc ? Avec la grâce, la parole de Jésus, ses exemples, les témoignages excessifs de son amour ? – Oui, avec tout cela, nous serions les plus malheureux des hommes.
Voilà une famille groupée, unie autour de son bon père : elle est heureuse. – Son chef lui est enlevé ; les larmes remplacent la joie et le bonheur ; ce n’est plus une famille, il n’y a plus de père.
Or, Jésus est venu sur terre fonder une famille ; ses enfants seront, dit le Prophète, joyeux autour de sa table comme les jeunes plants de l’olivier. – Que notre chef disparaisse, la famille est dispersée.
Sans Notre-Seigneur, nous serions absolument comme les apôtres pendant sa Passion, errant et ne sachant que devenir ; et cependant ils étaient peu éloignés de Notre-Seigneur ; ils avaient tout reçu de lui ; ils avaient vu ses miracles ; sa vie venait de s’écouler sous leurs yeux ; c’est vrai, mais le bon Père manquait, ils n’étaient plus une famille, ils n’étaient plus frères : ils s’en allaient chacun à ses affaires.
Quelle société peut subsister sans un chef ?
L’Eucharistie est donc le trait d’union de la famille chrétienne : ôtez-là, il n’y a plus de fraternité.
Les protestants, qui n’ont plus l’Eucharistie, ont-ils encore la fraternité chrétienne ? Ils ne sont les uns pour les autres que des étrangers. Même quand ils sont réunis dans leurs temples, ils ne font pas une famille ; chacun est libre de penser et de dire comme il l’entend ; leurs temples ne sont que des grands salons ; aussi invitent-ils à la prière ?
Les catholiques qui ne fréquentent pas l’Eucharistie sont-ils frères encore ? On ne peut le dire ; et dans les familles où le père, les frères ne communient pas, l’esprit d’union s’en va, la mère est une martyre et les sœurs des persécutées. Non, non, sans l’Eucharistie, il n’y a pas de famille.
Mais si Jésus reparaît, la famille renaît. Voyez la grande famille de l’Eglise ; il y a des fêtes et on les comprend ; les fêtes au père de famille, les fêtes à la mère, aux saints qui sont nos frères : ces fêtes ont une raison d’être.
Oh ! Jésus savait bien que tant que durerait la famille chrétienne, il fallait qu’il fût son père, son centre, son plaisir, sa joie, son bonheur !
Aussi, quand nous nous rencontrons, pouvons-nous nous saluer fraternellement : nous sortons de la même table ; aussi les apôtres appelaient-ils instinctivement les premiers chrétiens leurs frères.
Oh, que le démon savait bien qu’en éloignant les âmes de l’Eucharistie, il détruit la famille chrétienne, et que nous devenons égoïstes ; car il n’y a que deux amours : ou l’amour de Dieu ou l’amour de soi ; il faut se donner à l’un ou à l’autre.
Sa seule présence (dans l’Eucharistie) diminue la puissance des démons, les empêchent de dominer comme avant l’Incarnation ; aussi, depuis la venue du Sauveur, y a-t-il relativement peu de possessions ; les contrées infidèles en ont bien plus que les nôtres, et le règne du démon revient à mesure que diminue la foi en l’Eucharistie.
Et vos tentations, quelquefois si terribles, si épouvantables, ne s’apaisent-elles pas souvent dès que vous entrez dans une église, dès que vous vous mettez en rapport avec Jésus dans l’Eucharistie ? C’est toujours lui, sachez-le, qui commande aux tempêtes.
Jésus est donc avec nous ; et tant qu’il y aura un adorateur sur la terre, Jésus sera avec lui pour le protéger.
Voilà le secret de la longue vie de l’Eglise. On a peur des ennemis de l’Eglise ! C’est un manque de foi !
Seulement il faut honorer et servir Notre-Seigneur en son Sacrement. – Que pourrait faire un père de famille qu’on mépriserait, qu’on insulterait ? – Il s’en irait.
Gardons bien Jésus, et nous n’aurons rien à craindre.
Si nous aimons Jésus en l’Eucharistie, si nous nous repentons de nos fautes quand nous lui avons fait de la peine, il ne nous abandonnera pas.
L’essentiel est de ne pas l’abandonner nous-mêmes les premiers. Il faut qu’il puisse toujours dire : j’ai un chez moi.
Et quand le fort armé occupe sa maison, la famille est en paix.
(extrait d’un sermon du Père Eymard).